Le sculpteur vient d’ouvrir sa galerie, au 10 avenue de Verdun, à Nice. Un choix du cœur pour celui qui voue un attachement viscéral à sa ville. Celle qui l’a vu naitre et grandir. Celle qui lui a aussi permis de puiser son inspiration et de cultiver son talent artistique depuis une quinzaine d’années dans le sillage des artistes de l’Ecole de Nice. Comme Arman, Il pratique l’inclusion. Comme Ben, il tague. Comme César il compresse… mais en ayant sa propre signature. En effet, ce perfectionniste influencé par le mouvement Néo-Pop (qui refuse l’idée d’un art supérieur aux autres ainsi que l’élitisme qui caractérise ce monde en général ndlr) revisite la tradition du portrait en célébrant la société et ses icônes à travers ses œuvres aussi surprenantes que saisissantes. Avec son travail, l’artiste et entrepreneur Fred Allard révèle ce qui ne se voit pas chez les gens : leur histoire, leurs souvenirs, leur personnalité. Une manière de capter leur intimité en toute transparence. Au cours de séances presque psychanalytiques, cet autodidacte passionné et audacieux identifie avec ses modèles les objets qui représentent le mieux leur histoire de vie pour les figer dans un bloc de résine transparente. Ce procédé baptisé « Vide ton sac » permet aussi à l’artiste de faire le portrait d’une ville, d’une famille, d’une marque ou d’une entreprise. Des œuvres iconiques qui s’arrachent désormais dans le monde entier : New-York, Vegas, Miami, Mykonos, Londres, Dubaï… Pas grisé par ce succès, Fred Allard continue de créer en famille dans son atelier « Punk Paradise » de Saint-Laurent du Var. Rencontre.
Pourquoi avoir décidé d’ouvrir votre flagship (vaisseau amiral) à Nice ?
Aujourd’hui, je travaille avec une trentaine de galeries dans le monde. Cette vitrine internationale est extrêmement forte mais je trouvais très légitime de poser un projet dans la ville qui m’a vu naitre et grandir et où je puise toute mon inspiration. Je voulais faire partager mon expérience et tout ce que l’on était capable de créer. Nous avons mis plus d’un an pour construire ce petit joyau de 200 mètres carrés. Ça été un véritable chalenge. Avec ma fille Estelle qui est directrice artistique, on voulait réaliser un univers qui nous ressemble. Cet espace immersif ouvert à tous est une expérience artistique extraordinaire qui offre la possibilité de créer des pièces sur-mesure et de découvrir l’évolution de mon travail. Je voulais être dans le cœur de Nice et cette avenue de Verdun représente pour moi le nec plus ultra. C’est pour moi la plus belle artère de la Côte d’Azur. Je ne me voyais pas être ailleurs.
« JE DEMANDE À CES ICÔNES QUI INFLUENCENT LE MONDE MODERNE D’EFFECTUER UN GESTE INTROSPECTIF EN LES INVITANT À CHOISIR CINQ OBJETS QUI REFLÈTENT LEUR VÉCU, LEUR TRAJECTOIRE DE VIE »
Quel message véhicule vos œuvres d’art ?
Je réalise des « portraits de société » qui me symbolisent : la consommation, l’addiction, la répétition, l’accumulation et j’adore m’inspirer des marques de mode avec un objet phare qui est pour moi le sac qui par définition n’est pas transparent mais que je le rends transparent en le sculptant dans la résine et en y mettant à l’intérieur des objets forts qui représentent le mélange des genres et l’ouverture d’esprit. Ce qui m’intéresse, c’est prendre des codes bourgeois et les associer à des codes populaires, d’unir les opposés et de refléter les contradictions de notre société contemporaine au travers notamment d’objets de marques de luxe et de produits de supermarché. On va par exemple retrouver un packaging de Chanel avec un packaging de Coca-Cola donc, deux mondes parallèles et, différents qui se retrouvent associés dans un mélange de couleurs vives qui transcende l’œuvre.
Vous avez réalisé des sculptures à la demande de sportifs de haut niveau comme les footballeurs Neymar et Raphaël Varane, le pilote de F1 Charles Leclerc ou encore le champion du monde de moto GP le Niçois Fabio Quartararo ?
Je demande à ces icones du sport qui influencent le monde moderne de se livrer en effectuant un geste introspectif afin de réaliser leur portrait. Je les invite à choisir cinq objets qui reflètent leur vécu, leur trajectoire de vie. Ce qui est intéressant dans cette démarche, c’est qu’ils arrivent à lâcher prise. Je vais prendre l’exemple de Charles Leclerc qui a sélectionné deux objets de ses parents : le premier est un stylo avec lequel il a signé son contrat chez Ferrari, un stylo qui appartenait à son père et la paire de ciseaux qu’utilise sa maman pour son métier de coiffeuse. Ces objets vont traverser le temps car aussi bien ses enfants que ses petits-enfants verront ces objets qui raconteront cette histoire de famille. J’adore cette idée de transmission artistique intergénérationnelle. Fabio Quartararo m’a demandé lui, d’immortaliser toutes ses premières fois : sa première pole position symbolisée par une montre offerte par son sponsor avec le temps et le lieu gravés dessus, sa première paire de gants en tant que pilote ou encore son premier passeport…
« ENTREPRENDRE, C’EST UN ACTE DE VÉRITÉ. POUR CONVAINCRE, TU DOIS SAVOIR RACONTER UNE HISTOIRE QUI DOIT INSPIRER ET SUSCITER LA CURIOSITÉ »
Quel est le moteur de votre réussite ?
Je dois garder les pieds sur terre. Aujourd’hui, je préfère parler d’aventure plutôt que de réussite. Mon parcours est déjà jalonné de beaucoup d’expérience et d’épreuves qui ont forgé mon état d’esprit. Tout cela m’a permis de réaliser un travail très personnel sur moi-même et de « vider mon sac ». J’ai commencé l’art à 40 ans, mais à trente ans, j’avais déjà trois enfants et une start-up dans le secteur de la mode avec 150 salariés. Cette société qui est montée très rapidement est redescendue aussi vite, en seulement deux ans. Cette expérience, je devais la comprendre, la digérer. Je me suis aussi longtemps cherché au travers de différents projets que j’ai réalisés et d’autres que je n’ai pas réalisés et je n’ai pas toujours gagné. Mais là où j’ai gagné c’est que j’ai su me relever. Au fond, j’ai toujours eu l’âme de l’entrepreneur voulant sans cesse avancer et innover. Mon moteur c’est l’humain, c’est de pouvoir partager dans le respect et la sincérité. Entreprendre, c’est un acte de vérité. Pour convaincre, tu dois savoir raconter une histoire qui doit inspirer et susciter la curiosité.
« JE RÊVERAIS QUE NICE PUISSE À SON TOUR « VIDER SON SAC » ET ME CONFIER LA RÉALISATION DE CETTE ŒUVRE AFIN QU’ELLE Y SOIT EXPOSÉE DANS UN LIEU SYMBOLIQUE »
Quels sont les atouts de travailler en famille ?
J’ai commencé seul au départ puis mon fils et ma fille m’ont rejoint. On a pris le temps car ils avaient leur propre expérience et leurs propres formations. Partager l’aventure avec eux, c’est une formidable opportunité : je suis le premier spectateur de mes enfants, j’aime leur dynamisme, leur fraîcheur et leur vision. Estelle gère nos galeries dans le monde en tant que directrice artistique tandis que Raphaël est au cœur de l’atelier pour la production et la création des œuvres. Il sculpte avec moi et même beaucoup mieux que moi car il a su écouter et apprendre. Notre équipe s’est étoffée avec des personnes animées par de superbes valeurs comme le partage, la discipline et l’esprit d’équipe. Ici, c’est un pour tous et tous pour un avec le souci permanent de la performance pour la qualité du produit, sans quoi ça ne marche pas, ça ne tient pas.
Quels sont vos projets ?
Chaque mois, on réalise des œuvres et des collections pour les galeries du monde entier. On doit rester concentrés sur ce qu’on fait. Nous organisons aussi des événements dans toutes les grandes villes où nous sommes présents avec de très belles collaborations à venir pour des personnalités et des entreprises. Mais ce que j’aime par-dessus tout, c’est défendre les couleurs de mon pays et particulièrement les couleurs de ma ville. Je rêverais que Nice puisse à son tour « vider son sac » et me confier la réalisation de cette œuvre afin qu’elle y soit exposée dans un lieu symbolique. Mais quels objets seraient alors choisis pour représenter notre ville ? Je vous laisse deviner…
Plus d’infos
https://www.instagram.com/atelier_fred_allard?igsh=Yzl5Z3dhd25uZXRj
