Fête des Mai 2023

24 avril 2023

Lu Festin de Nissa

Rendez-vous lundi 1er mai ainsi que les dimanches 07, 14, 21 et 28 mai 2023, dans les Jardins des Arènes de Cimiez. Alex Benvenuto, historien, conférencier, écrivain, auteur de nombreux livres sur Nice, nous parle de cette incontournable fête traditionnelle niçoise.

  • D’où vient cette tradition des Mai ?

C’est une tradition ancestrale, depuis les Romains, de fêter les Mai, et le retour du printemps… C’est un joyeux mélange de tradition chrétienne et de tradition païenne… C’est le renouveau de la nature, que fêtaient déjà les Romains… On retrouve beaucoup de traces, d’écritures, à propos de cette fête.

  • A quand remontent les premières traces en ce qui concerne Nice ?

Concernant la fête niçoise des Mai, on a des premiers écrits en 1696, puis d’autres en 1717, puis 1721, 1730, et même 1744, lorsque pourtant, les Espagnols (les Gallispans, soldats des troupes franco espagnoles) ont pris Nice et Villefranche… Bref, tout ça pour dire que ça remonte, et que c’est très ancré ! D’ailleurs, même en 1792, lors de la première annexion, quand les Français nous ont envahis, la fête des Mai a bien eu lieu, et des écrits de Fodéré racontent qu’on mêlait les chansons niçoises avec les chansons françaises, « et même provençales » précise-t-il.

  • Dès le départ, les Mai ont été une fête niçoise populaire ?

Il y a eu un regain, avec une affirmation de l’identité niçoise à travers cette fête, lorsque le préfet Dubouchage, le 15 avril 1814, depuis le palais Sarde, cria à la foule, en agitant un mouchoir blanc : « Vive Louis XVIII ! » Et la foule lui a répondu : « Vive Victor Emmanuel », comme le raconte Toselli, dans son Histoire de Nice. Il paraît qu’à partir de ce moment-là, les fêtes des Mai sont devenues beaucoup plus… folles ! Plus axées sur l’identité niçoise, avec les groupes folkloriques, aux couleurs de Nice, qui ressemblaient presque déjà aux Mai actuels…

  • La ferveur n’a donc jamais baissé ?

Il y a eu un moment où l’usage des Mai s’est fortement estompé. C’était au moment de l’annexion à la France, en 1860. Il faut attendre 1907 pour que Menica Rondelli, auteur de l’hymne Nissa la Bella, et Léon Barbe, un poète et journaliste de l’Eclaireur de Nice, relancent la Fête des Mai. Et ça redémarre de suite très fort ! Au moment de la renaissance des Mai, les Niçois trouvent déjà que le Carnaval est devenu très touristique, et en comparaison, disent : « Gardons notre belle tradition niçoise des Mai ! » C’est, pour eux, la vraie fête niçoise, comme celle des Cougourdons un peu plus intimiste où beaucoup de monde parle niçois. Et ça l’est toujours ! Ça reste une fête loin d’être touristique, très niçoise, populaire, familiale… On regarde danser les groupes folkloriques, on y mange pissaladière, socca et petits farçis, l’ambiance est décontractée…

  • Les Mai, à l’époque, ça ressemblait à quoi ? Ont-ils évolué ?

Les Niçois allaient cueillir du buis, pour fabriquer des décorations, comme me l’avait raconté un jour une Niçoise, Paule Allieri qui était commerçante de la rue de l’Abbaye: « Dès les premiers jours d’avril, le soir après avoir fait (ou pas) nos devoirs d’école, on partait sur la colline du Château ou au Mont Boron pour couper le buis ». Pourquoi du buis ? Parce qu’on en faisait des sortes de boudins qui étaient ensuite attachés avec des ficelles à un mât… A ce mât étaient aussi attachées des guirlandes en papier. Et on dansait en tournant autour…

« Tous les soirs après le dîner, les voisins venaient dans la rue sous le motif, et nous dansions au son de l’accordéoniste « bénévole » du quartier, ou d’un phonographe » racontait encore Paule Allieri, de son enfance dans les années 30.

D’où l’expression tourner les Mai… On danse autour du mât, autour des Mai. Gira lu mai ! On danse autour d’un pin ou d’un aulne abattu dans la forêt, en mangeant de la pissaladière et en jouant au pilou. On faisait aussi la pignata… On suspendait des récipients en terre cuite à une branche et, les yeux bandés, il fallait taper dessus avec un bâton pour les casser… Il y en avait une remplie de suie, une de farine, une d’eau, une de bonbons, et une avec une pièce d’or ! Evidemment celui qui tapait dans celle en suie avait perdu…

  • Où avaient lieu les Mai ?

On sait, grâce à des écrits de Toselli, qu’en 1848, la Fête a lieu devant l’Hôtel de Ville et l’habitation du gouverneur… Les fêtes des Mai ont beaucoup eu lieu dans le Vieux-Nice, mais aussi dans un peu tous les quartiers. Ça fonctionnait beaucoup par quartier jusqu’en 1939, organisés par les habitants, les commerçants… Après la guerre, ça a été un peu moins spontané. Un peu plus organisé… Dans les années 50, la Ville a repris la main sur l’organisation, et c’est à partir de là que les Mai ont été organisés dans les jardins de Cimiez.

  • Il existe de beaux témoignages des Mai dans les quartiers…

Oui, le peintre Raoul Dufy, par exemple, a peint des Mai dans le quartier de la Treille, dans le Vieux Nice. Clément Roassal, lui, vers 1830, a peint trois tableaux de festins des Mai à Cimiez, Saint-Roch, et Li Verna (Les Aulnes) dans la plaine du Var. Tableaux que l’on peut voir à la Villa Masséna. Marie Bashkirtseff, qui habitait dans une maison à côté du CUM, raconte dans son journal qu’elle tournait les Mai avec les Niçois de son quartier derrière chez elle… Elle dansait autour « d’une grande machine de feuillages et de fleurs toute ornée de lanternes vénitiennes », écrivait-elle. Elle était très attachée à cette tradition…

  • Vous, en tant que Niçois, quelle a été votre première rencontre avec les Mai ?

Quand j’étais petit, ça se passait déjà aux jardins de Cimiez… J’ai beaucoup de bons souvenirs… Le groupe folklorique Nissa la bella, les danses sous les oliviers… C’était de beaux moments.  Je me suis aussi retrouvé à tourner les Mai à Levens, où la branche suisse-allemande de ma famille avait pour habitude de suivre cette tradition avec la communauté suisse locale. Pour dire comme cette tradition niçoise est aussi adoptée et perpétuée par ceux qui ont choisi de s’établir à Nice, et les générations suivantes !

  • Vous avez écrit de nombreux ouvrages sur Nice. Y en a-t-il un en cours ?

Je suis en train d’écrire mon 26e livre, qui devrait sortir en septembre… Rien à voir avec les Mai ! C’est sur quelqu’un qui a été assez oublié à Nice… François-Emmanuel Fodéré. Au moment de la 1ère annexion, en 1792, les Français ont voulu faire un état des lieux complet du territoire. C’est François-Emmanuel Fodéré qui en a été chargé. Il a parcouru tout le Comté à pieds pour faire cet état des lieux. Il décrit les chemins, les mines, les carrières, même les vêtements, par exemple des bergers de la Brigue… Il est aussi drôle que Smolett ! J’ai trouvé les écrits de son compte -rendu, que je reprends… Ça donne une bonne idée de l’état du département au moment de la révolution. Son travail sera fini en 1801. Et, outre l’industrie de la soie, il évoque une industrie qui pourrait peut-être avoir un avenir dans le coin : le tourisme !

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