Aujourd’hui en France, plus d’1 femme sur 2 dit avoir déjà été victime d’harcèlement dans l’espace public. Pour lutter contre ce fléau en recrudescence, la ville vient de lancer le dispositif : « Demandez Angela » présenté, cet après-midi, par Anthony Borré, premier adjoint au maire en charge de la sécurité entouré d’élus*, lors d’une conférence de presse, à l’Hôtel de ville, en présence également des associations de commerçants, de policiers municipaux et de représentants de la Maison d’accueil des victimes.
A Nice, toute personne victime de harcèlement dans la rue, violences ou intimidations pourra bientôt trouver une aide dans les commerces de proximité en demandant simplement “Où est Angela ?”. Ce dispositif s’inscrit dans le cadre du projet européen Icarus, financé par la Commission européenne, aux côtés de 18 autres partenaires européen afin d’améliorer la sécurité de ses espaces publics.
« Depuis 2008, nous sommes engagés sur les problématiques de harcèlement de rue et les violences faites aux femmes ou intra-familiales, a souligné Anthony Borré. Ce sont des sujets douloureux et sensibles qui nécessitent beaucoup de psychologie et un accompagnement social permanent, assure-t-il. Cette initiative « Où est Angela » permet de fédérer un réseau de commerçants, sur la base du volontariat qui souhaitent, recevoir une formation et de connaître ainsi la bonne marche à suivre pour mettre en sécurité les victimes, de jour comme de nuit, quel que soient leur âge, leur genre ou leur condition ».
Un sticker affiché à l’entrée des établissements
Cette action s’exercera dans un premier temps en centre-ville, dans le Vieux-Nice et sur l’avenue Jean-Médecin, deux secteurs qui concentrent le plus de population, de touristes, de débits de boissons et bars de nuit. En cas de harcèlement, les victimes auront la possibilité de se « réfugier » dans un commerce partenaire, localisé par un sticker affiché à l’entrée de son établissements et demander « Où est Angela ? », avant d’être mises en sécurité le temps d’appeler un proche, un taxi ou la police, selon la situation.
Une charte d’engagement et une formation pour apprendre à réagir
Restaurant, hôtel, bar, pharmacie, boutique de prêt-à-porter ou encore institut de beauté peuvent rejoindre le réseau : « Demandez Angela. » Pour cela, il suffit de se renseigner auprès de la mairie. Tous les commerces partenaires signent une charte d’engagement et sont invités à suivre une formation gratuite pour se préparer à des situations courantes. Car aujourd’hui, le principal problème c’est le manque d’initiative : 86% des personnes ne savent pas comment réagir lorsqu’elles sont témoins de harcèlement.
Une vingtaine de commerçants déjà impliqués dans la démarche
Cet après-midi, une vingtaine de commerçants ont suivi une première session de formation en mairie pour se familiariser avec ce nouveau dispositif. « Il est vrai qu’on se sent un peu démunis et souvent désarmés face à ces situations de harcèlement, c’est important que l’on puisse recevoir des conseils pour savoir comment agir ou réagir, dans les bars souvent les auteurs prennent la fuite quand ils sont repérés, nous avons besoin d’avoir des outils qui puissent nous aider à prendre la bonne décision », a commenté, la gérante d’un bar du Vieux -Nice.
La ville qui souhaite sensibiliser d’autres commerçants compte tirer un premier bilan du dispositif dans six mois.
Pour toutes questions : clspd@ville-nice-fr.
*Etaient présents Martine Ouaknine, adjointe déléguée aux Affaires juridiques, à l’Aide aux victimes, au Devoir de mémoire et à la Lutte contre le racisme et l’antisémitisme, Maty Diouf, adjointe déléguée à la lutte contre les discriminations, au droit des femmes, aux actions humanitaires et à la coopération et Franck Martin, adjoint délégué au territoire des Hauts de Nice, aux commerces, aux marchés, à l’artisanat et à la gare du Sud et Hervé Caël, conseiller municipal délégué à la santé.
Sarah Blanchon, chef de service deuxième classe à la direction de la police municipale de Nice, a répondu aux questions de Nice24.
« Une recrudescence d’agissements totalement anormaux comme des sifflements, des quolibets et des comportements graveleux »
Quel est le contexte en matière de harcèlement de rue ?
Nous avons constaté, depuis le confinement, une dégradation importante des comportements urbains sur la voie publique. Ce phénomène qui se déroule plus souvent la nuit est également répandu en journée, avec une recrudescence d’agissements totalement anormaux comme des sifflements, des quolibets et des comportements graveleux du style : « T’es bonne, tu m’excites… ». Il y a aussi des individus qui vont s’approcher des victimes, leur forcer le contact, les suivre, tout ça est assez pesant. Je suis cependant rassurée de voir qu’une certaine jeunesse sensible à cette problématique nous interpelle dans la rue pour demander notre assistance.
« Il est nécessaire aussi d’utiliser les bornes d’appel d’urgence sur la voie publique et le cas échéant de composer le 17 pour déclencher l’intervention »
Comment peut-on réagir quand on est confrontés à ce phénomène ?
A Nice, nous avons cette chance de bénéficier de patrouilles pédestres, il ne faut pas hésiter à nous solliciter et dans un second temps d’utiliser le dispositif « Demandez Angela » qui va être indiqué sur les devantures des établissements. Il est aussi nécessaire d’actionner les bornes d’appel d’urgence et bien évidemment, le cas échéant, de composer le 17 pour déclencher l’intervention d’un équipage aidé en cela par notre important réseau de caméras de surveillance.
Est-il conseillé de se défendre par soi-même en cas d’harcèlement de rue ?
Je ne vais pas en vouloir aux jeunes femmes qui voudraient agir de la sorte, je ne veux pas les décourager non plus mais cela peut causer des dommages collatéraux qui peuvent être évités.
« Le but de la démarche n’est pas de transformer le commerçant en policier mais de lui apprendre à mieux cerner cette problématique »
Pourquoi la plupart des victimes ne souhaitent pas déposer plainte ?
Je pense qu’elles ne veulent pas perdre de temps, même si c’est grave, à partir du moment où la police est là, le harcèlement s’arrête et la victime passe à autre chose et c’est tant mieux, en général, elles disent : « j’ai pas le temps de déposer plainte, je veux rentrer chez moi », elles veulent se retrouver dans un environnement qui leur est familier et qui les rassure. Il faut se mettre à la place d’une victime, vous êtes transportés dans un véhicule de police, puis dans un commissariat à attendre….Or, cela ne veut pas dire pour autant que l’action se termine car nous aurons identifié l’auteur qui reste sous surveillance et si les faits venaient à se reproduire, on serait alors amené à sévir d’une autre manière.
En quoi consiste cette formation destinée aux commerçants ?
Cela dure une petite heure au cours de laquelle on les sensibilise sur les notions de harcèlement de rue, outrages sexistes et autres, le but de la démarche n’est pas de transformer le commerçant en policier mais de lui apprendre à mieux cerner cette problématique, et de faire en sorte d’apporter aux victimes une forme de main tendue, car on en manque un petit peu aujourd’hui dans notre société.
Comment doit réagir le commerçant avec une victime ?
La première chose, c’est de prendre en charge la personne qui se réfugie chez vous en lui demandant « comment je peux vous aider ? » « Je peux vous apporter un verre d’eau », lui adresser quelques mots de réconfort, essayer d’établir un échange, lui apporter une écoute. Soit la personne voudra repartir par ses propres moyens, car elle sera passée à autre chose, soit la situation est plus grave et le commerçant devra alors composer le 17 pour qu’on puisse intervenir rapidement.
« On ne va pas abandonner les commerçants en cas de représailles ou de menaces »
Et, à l’inverse, comment le commerçant peut-il assurer sa protection en cas de représailles ?
En tant que policier, on ne va pas abandonner les commerçants. Nous avons un référent dans tous les secteurs de la ville, si un phénomène de cette nature était porté à notre connaissance, on mettrait un dispositif en place pour que le commerçant puisse continuer à exploiter son établissement sans danger et procéder à l’interpellation de l’auteur coupable de propos injurieux, menaçants ou autres à son égard.