Moins de 24 heures après les coups de feu, la CRS8 déployée à la demande du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin est à pied d’œuvre dans le quartier des Moulins. Cette unité composée d’une cinquantaine de policiers spécialisés dans la lutte contre le trafic de drogue et rompus au travail d’enquête judiciaire a réalisé sept interpellations, parmi lesquels une majorité de mineurs, ainsi que des saisies de stupéfiants, soit 200g de résine de cannabis, 50g d’herbes et 30g de cocaïne. Ce soir, le préfet des Alpes-Maritimes Bernard Gonzalez, le maire de Nice Christian Estrosi et son premier adjoint délégué à la sécurité Anthony Borré étaient aux côtés des forces de l’ordre pour patrouiller dans le quartier, lors de cette première opération coup de poing.
« Tous ces coups de feu à répétition, ça fait peur, on ne se sent pas en sécurité, l’arrivée de ces policiers, c’est vraiment une bonne nouvelle, j’espère que cela ramènera le calme, car on ne veut plus vivre avec la peur au ventre », confie cette habitante au pied d’une barre de la cité où des policiers solidement équipés sont postés devant l’entrée des halls d’immeubles. A l’intérieur de l’un d’eux, une planque renfermant une quantité de cocaïne, de résine de cannabis et d’herbe vient d’être détectée par un chien de la brigade cynophile. « Depuis 6 mois, 230 opérations de sécurisation ont été menées, avec plus de 6500 contrôles, 1573 halles d’immeuble fouillés et près de 500 interpellations réalisées, dont 207 mineurs, une centaine de personnes ont été déférées devant la justice et une quarantaine d’individus écroués », a détaillé le Préfet des Alpes-Maritimes Bernard Gonzalez.
« On contrarie l’économie souterraine qu’ils ont mis en place et il y a pour certains des pertes de marché, des pertes de secteurs qui font naitre des rivalités et des règlements de comptes »
Des résultats importants qui démontrent les moyens inédits déployés pour tenter d’enrayer le trafic de stupéfiants au sein du quartier. Dans le même temps, un travail d’enquête judicaire est mené par des policiers en civils qui s’appuient sur le réseau de caméras de surveillance de la ville pour observer et comprendre le mode opératoire des trafiquants qui opèrent sur les différents points de deal. Ici, les revendeurs n’hésitent pas à faire la publicité de leur marchandise en affichant directement le prix des différentes drogues sur certains murs, des produits « livrables 7 jours sur 7 et 24h sur 24. » Plus de 40 kilos de résines de cannabis, 2, 5 kilos d’herbes, 5 kilos de cocaïne et 100 000 euros de numéraires ont ainsi été saisis ces derniers mois. « On exerce un véritable harcèlement qui nous a permis de neutraliser un certain nombre de réseau, assure le Préfet, et à force d’agir de la sorte, on contrarie l’économie souterraine qu’ils ont mis en place et il y a pour certains des pertes de marché, des pertes de secteurs qui font naitre des rivalités et des règlements de comptes, on ne veut pas lâcher le terrain en montrant à la population que le gouvernement et les élus de cette ville sont déterminés à ne pas baisser les bras face à la délinquance (…) On ne peut pas laisser des familles vivre dans l’angoisse, on a eu des tirs en plein jour en présence d’enfants scolarisés », affirme-t-il.
« Avec Christian Estrosi, nous sommes favorables comme première réforme législative à l’abaissement de la majorité pénale dès 16 ans »
Parmi les individus interpellés, on trouve une majorité de mineurs français ou étrangers qui servent la plupart du temps de guetteurs aux caïds qui peuvent se livrer au trafic de drogue en restant temporairement à l’abri des radars. « C’est sur les mineurs qu’il faut avoir l’action la plus forte, explique Anthony Borré. Avec Christian Estrosi, nous sommes favorables comme première réforme législative à l’abaissement de la majorité pénale dès 16 ans, car on a affaire ici à des jeunes de 12, 14 et 16 ans, 11 ans même parfois qui font les guetteurs mais il faut aussi un accompagnement judiciaire , car on a des gamins qui ont été placés en garde à vue à de très nombreuses reprises… J’appelle à un sursaut collectif sur cette question qui me semble tout aussi fondamentale que le travail permanent que nous faisons qui tôt ou tard finira par porter ses fruits. » Et l’adjoint à la sécurité de la ville de Nice de plaider pour une initiative forte et concertée à l’échelle de l’Europe. « On voit bien que toutes les grandes villes sont touchées par ce phénomène, c’est pourquoi nous sommes en train de prendre une initiative avec France Urbaine qui regroupe toutes les collectivités pour un grand plan européen de lutte contre les stupéfiants dont la consommation ne cesse d’augmenter, il faut donc un grand plan européen pour s’attaquer durablement à ce fléau. »
« Quand les mineurs isolés étrangers ne sont pas pris en charge par le Conseil Départemental, ça n’aide ni l’Etat, ni notre municipalité »
Pour le maire de Nice Christian Estrosi, qui loue le partenariat entre la ville de Nice et l’Etat en matière de lutte contre la délinquance et le trafic de stupéfiants, la situation des mineurs étrangers doit appeler une action claire et résolue du Conseil départemental des Alpes-Maritimes qui n’assume pas ses prérogatives en la matière. « Quand dans une grande agglomération comme Nice les mineurs isolés étrangers ne sont pas pris en charge par le Conseil Départemental, ça n’aide ni l’Etat, ni notre municipalité, si j’avais la compétences des mineurs isolés dans la Métropole, je peux vous dire qu’il en serait autrement et que nous aurions pris toutes les dispositions pour les prendre en charge et ainsi accompagner la police nationale afin de mieux protéger nos concitoyens qui n’ont plus à subir les conséquences de ces trafics qui deviennent insupportables. »
« Nous obtenons les meilleurs résultats par rapport aux principales grandes villes en matière de lutte contre les stupéfiants, grâce au travail collectif que nous menons avec l’Etat »
En l’espace de dix ans, près de 250 millions d’euros ont été investis dans le programme de renouvellement urbain, dont l’objectif était de « désenclaver » le quartier a rappelé le maire de Nice. « Il y a quelques années, il n’y avait plus aucune activité dans le quartier, depuis, on a ouvert un casino, une pharmacie, de nouveaux commerces, une bibliothèque, une nouvelle crèche, des activités sportives et culturelles, assure-t-il. De belles choses ont été faites et la vie a bien repris ici » assure celui pour qui « il ne reste que quelques barres à faire sauter » « quand on aura achevé la dernière tranche de notre programme de renouvellement urbain, on en aura fini avec ces trafics ». « Nous sommes dans la ville de France où nous obtenons les meilleurs résultats en matière de lutte contre les stupéfiants, grâce au travail collectif que nous menons avec l’Etat, mais il y a encore des points qui sont des reliquats causés par des erreurs d’urbanisme des années 60 », conclut-il.
Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin est attendu à Nice ce mardi pour une visite du chantier du futur Hôtel des polices de la ville avant de réunir les forces de l’ordre pour une cérémonie de remerciements à la Villa Massena.